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Mon maitre est mon vainqueur, le combat du coeur et de la raison

  • apollinepetitjean
  • 1 sept. 2024
  • 4 min de lecture

« Aux rencontres fortuites 

Aux écarts de conduite 

À nos chambres secrètes 

Aux puissances discrètes 

Obscures des hasards 

Et à tout ce bazar

Que ça fout dans nos vies 

À la vie à l’envie 

De tes lèvres soudain

De ta langue et tes mains

Caressant à loisir 

Mon corps nu au plaisir 

Au vertige à l’émoi 

Qu’on ressent toi et moi 

Je trinque avais-tu dit

Je trinque à tout cela 

Mon amour e basta

Così »


Qui ne s’est jamais dit à quel point il serait plus simple de pouvoir choisir la personne de qui l’on tombe amoureux·se ? Qui n’a jamais maudit ces fameuses « rencontres fortuites », se blâmant pour ces « écarts de conduites » et maudissant tout ce bazar que ça fout dans nos vies. Le conflit qui oppose le coeur et la raison n’est pas propre à la littérature, et François Henri-Désérable n’invente rien quand il met en scène un triangle amoureux, un adultère avec d’un côté la passion, et la raison qui se battent pour les yeux d’une même fille.


Pourtant, c’est un débat intemporel, qui reste encore sans réponse propre et qui amène de nouvelles interrogations : peut-on réellement aimer plusieurs personnes en même temps ? Dans les schémas monogames que l’on a l’habitude de concevoir, la place du triangle amoureux est délicate. N’a-t-on assez d’amour que pour une seule personne tout au long de sa vie ? L’amour passionnel est-il plus fort même si plus fragile que l’amour raisonnable ? 


Se poser toutes ces questions, c’est essayer de se mettre à la place de Tina, une comédienne de théâtre qui tombe éperdument amoureuse de Vasco, un peu poète maudit sur les bords, alors qu’elle va épouser Edgar, le père de ses enfants dans quelques mois. 


Jusqu’ici, l’auteur n’a rien inventé. Et pourtant. Mon maitre et mon vainqueur, est sans aucun doute mon livre coup de coeur de l’été.

Tina est comédienne de théâtre, c’est en fuyant sa vie qu’elle fait la rencontre du seul amour qui ne la décevra pas : la poésie. Elle rencontre Verlaine, Rimbaud, s’intéresse à leur art, à leur amour puis leur désamour, à la tentative de meurtre de l’un contre l’autre, jusqu’à la fin de leurs vies. Puis elle tombe amoureuse d’Edgar et de son côté rassurant, tombe enceinte, accouche de deux jumeaux, et se fiance. Tout aurait pu être simple. 

Mais comme Verlaine tire sur Rimbaud, il fallait bien que Tina aussi rencontre son poète maudit. Vasco et elle « n'avaient rien pour se plaire ; ils se plurent pourtant, s'aimèrent, souffrirent de s'être aimés, se désaimèrent, souffrirent de s'être désaimés, se retrouvèrent et se quittèrent pour de bon. »

 

La force du roman, c’est sa structure narrative : l’ensemble de l’histoire nous est racontée à travers les souvenirs du narrateur, ami de l’un et de l’autre, qui répond aux questions du juge se tenant en face du cahier de poèmes de Vasco et d’un revolver. C’est ce qui permet à une histoire plutôt simple de prendre une tournure beaucoup plus intense et originale tenant en haleine le lecteur.

Dès le début de l’histoire, il est dit clairement que Vasco et Tina se quittèrent pour de bon. Ce qui compte désormais, c’est de comprendre ce qu’il s’est passé pour que le narrateur livre ces histoires d’amour et de haine entre Tina, Edgar et Vasco, à un juge et un greffier.

Toute l’histoire d’amour entre nos deux amants est segmentée dans le récit par des poèmes écrits par Vasco. Ce rapport à la poésie en plus de lier les personnages et l’histoire par la cohérence, adouci la narration.  


Tina parvient à vivre comme un personnage de roman sans tomber dans le cliché, Vasco nous joue les poètes maudits sans trop se prendre au sérieux et tout est à sa place. 


Coup de maître de l’auteur : la plume. C’est une écriture très drôle et fine, qui ne se veut pas grandiloquente. Pourtant toute l’histoire est métapoétique est c’est un choix très risqué que de citer Verlaine et Rimbaud tout au long du livre, et d’emprunter le titre du roman à un poème des Chansons pour elle (« Es-tu brune ou blonde? »). On ne tombe pas dans le stéréotype du roman poétique, car tout est très frais et maitrisé. Le ton est très drôle et émouvant, mais jamais pédant ni prétentieux malgré les références artistiques et historiques. 


J’ai découvert la poésie avec « Ophélie », avec les Cahiers de Douai et les Illuminations, et Rimbaud a une place toute particulière pour moi. Cela peut expliquer pourquoi je me suis tant attachée à ce roman, à ses personnages et son histoire. 


Finalement, on ne maîtrise jamais l’amour que l’on ressent, et l’on peut passer une vie de malheur à tenter de le refouler. Peut-être faut-il simplement faire confiance à ses « rencontres fortuites ». Roman d’amour et de désamour, Mon maître et mon vainqueur m’a fait rire, pleurer, et aimer. Et c’est le livre parfait pour cette fin d’été. 


« Jusqu'au jour où l'on finit par se dire mutuellement ce qu'on a sur le coeur, comme on craque une allumette dans la nuit : pas pour y voir plus clair, mais pour mesurer la part de ténèbres que chacun porte en soi. »

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