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Gala, Nusch, Dominique, muses ou artistes ? Renverser le mythe

  • apollinepetitjean
  • 4 mars 2024
  • 4 min de lecture

« La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas » André Breton L’Amour fou. 


Gala, Nusch et Dominique sont les trois femmes de la vie de Paul Eluard, du début à la fin de sa vie. Elles sont toutes trois considérées comme ses trois muses, figures féminines inspiratrices de la poésie surréaliste. Mais si on inversait le mythe de la femme comme muse, pour voir au delà de ces “créatures inspirantes” des artistes à part entière, victime d’un male gaze encore indéfini à l’époque. Si on l’évoque de plus en plus aujourd’hui, le concept de « male gaze » ou de regard masculin est théorisé par la réalisatrice et critique de cinéma, Laura Mulvey dans son essai Plaisir visuel et cinéma narratif en 1975. C’est l’idée selon laquelle la femme serait sexualisée par le regard de l’homme, notamment à travers les créations (visuelles, musicales, artistiques…). Et ce vieux concept est loin d’être neutre : en plus de ramener la femme à une position dominée, le male gaze a depuis toujours fait des femmes, les grandes oubliées de l’Histoire.  

Quand il n’est encore qu’Eugène Grindel, Paul Eluard rencontre Gala à l’hôpital alors qu’il est atteint de la tuberculose. Rapidement, une relation naît entre les deux adolescents. Ils découvrent la poésie dans les bras l’un de l’autre en suivant les pas de ceux qui les inspirent : Apollinaire, Baudelaire, Gérard de Nerval.  Les deux amants rédigent Dialogue des inutiles : les premiers pas dans la poésie de Paul Eluard se font aux côtés de Gala…Plus tard, ils vivront leur relation sous le signe de la liberté : Gala aura une liaison avec Max Ernst, peintre surréaliste. Gala est décrite comme une femme de caractère,  impétueuse, créative. 

Mais Gala, née Elena Ivanovna Diakonova, est une artiste douée dont les travaux sont restés en marge de ceux de ses maris et amants. Que retient-on de ses objets surréalistes, de ses écrits en prose, et de sa participation aux poèmes d’Eluard et aux peintures de Salvador Dali sinon qu’elle était la muse d’Eluard et de Salvator Dali ? 

Et si la « muse » était l’artiste ? et si Nusch, - née Maria Benz -  seconde femme de Paul Eluard, qui lui a inspiré le recueil Le temps déborde, avait donné naissance, ou plutôt renaissance à Man Ray, à Picasso, à Eluard lui même. Et si c’était Gala qui avait permis à Max Ernst d’être Max Ernst et à Dali d’être l’un des peintres les plus célèbres du 20e siècle. Sans nier le talent de ces artistes, les femmes de leur vies ont vécu dans l’ombre de leurs talents. Pourtant, Nusch avant d’être la muse d’Eluard, est une jeune femme à la vie étonnante. Elle naît dans un cirque ambulant, côtoie des illusionnistes, joue dans des théâtres, pose pour des cartes postales érotiques. Photographiée par Man Ray, Brassaï, Lee Miller, Dora Maar, peinte et dessinée à plusieurs reprises par Picasso, Maria Benz se transfigura en muse et en icône. Compagne ou muse, on s’attarderait aujourd’hui plutôt à décrire Nusch comme femme et artiste : une série de ses collages ont d’abord été attribués à Paul Eluard, avant de remettre son talent et sa légitimé à l’honneur. 

Paul Eluard est un poète célèbre et à juste titre ; sa plume nous transperce et nous fait voyager. Ses poèmes sur la résistance ont une forte puissance symbolique, à tel point que son poème « Liberté » est aujourd’hui l’un des poèmes les plus lus de la poésie française. Mais sans les muses, pas de poésie. Il est indéniable que les femmes de sa vie, qu’elles furent artistes ou qu’elles ne furent qu’inspiratrices, méritent que l’on se rappelle d’elles indépendamment de leurs amants, pour le rôle qu’elles ont joué dans le mouvement surréaliste. 

Ainsi, l’artiste est-il seulement celui qui écrit ? Que faire des personnes qui lui permettent de faire des mots, un art qui nous transcende encore cent ans plus tard ? La mort brutale de Nusch en 1946 est vécue comme une immense détresse. Paul Eluard voyage en Europe et fait son deuil auprès de ses proches. S’il se tourne vers l’amour fraternel et écrit sur des thèmes plus universels, il ne reste jamais loin de l’amour très longtemps. Il rencontre Dominique qui sera sa dernière femme, et en tombe amoureux. C’est d’elle dont il s’agit dans le recueil Le Phénix. Dominique est une rencontre salvatrice. Si elle ne produit pas, c’est sûrement grâce a elle qu’Eluard renaît à la vie et à la poésie. « Tu es venue j’étais triste j’ai dit oui / C’est à partir de toi que j’ai dit oui au monde » (Le Phénix, « Dominique aujourd’hui présente »).

L’image de la muse, de la femme inspiratrice perdure depuis le mythe de Zeus. Mais en conséquence, de nombreuses femmes artistes sont restées dans l’oubli malgré leur talent, et dans l’ombre de ceux qui furent leurs amis et amants. 

Si Gala, Nusch ou Dominique sont certes des figures inspiratrices, elles sont toutes trois des poètes au sens de créatrices. Et sans elles, le mouvement surréaliste passerait à côté d’oeuvres dont elles sont la chair. 




2 comentarios


Suikun7
Suikun7
05 mar 2024

trop sympa l'article !

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apollinepetitjean
05 mar 2024
Contestando a

Merci beaucoup !! Contente qu’il te plaise!

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