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Une histoire de femmes - quand les femmes et les livres bousculent le patriarcat

  • apollinepetitjean
  • 18 mars 2024
  • 7 min de lecture

Dans ma valise... on parle de femmes.


L’entendez vous, ce silence ? Ce bruit sourd ? Un bruit qui ne résonne pas. C’est en tout cas celui qui a régné pendant trop longtemps au coeur de l’espace littéraire. Un son harmonieux… pour les hommes et le patriarcat.

Fracas. Vacarme. Boucan. Tels sont les bruits percutants qui retentissent lorsque les femmes s’emparent de leurs plumes pour en faire des couteaux aiguisés qui blessent et tentent de réduire à néant la misogynie qui trop souvent a voulu faire d’elles, des objets silencieux et anonymes.


Les livres dans ma valise…les femmes à l’honneur !


Très jeune, je me suis passionnée pour la littérature, les belles lettres et la poésie. Enfant, et adolescente : il y a toujours eu de la place pour des livres dans ma valise.

Alors aujourd’hui, je vous emmène découvrir à mes côtés trois lectures écrites par des femmes douées, passionnées, et surtout, des femmes bruyantes. En apparence, ces femmes ne se ressemblent pas, et leurs écrits non plus. C’est leur condition de femme qui les rassemble : parce qu’au fond, elles ont les mêmes combats, les mêmes luttes.

Dans cet article, on va parler littérature et féminisme : je dédie donc cet article à toutes les femmes qui ont pris la parole et qui continuent de le faire pour que nous puissions revendiquer nos droits, encore malheureusement trop loin de les avoir acquis. Mais je dédie aussi cet article à tous les hommes, alliés du féminisme qui continuent de s’éduquer chaque jour sur les enjeux de nos luttes, et qui se battent à nos côtés. C’est aussi grâce à vous que les lignes bougent.


Quand les femmes prennent la parole : 


Lorsque j’ai entendu parlé du tsunami qu’avait (et à juste titre) suscité l’oeuvre de Camille Kouchner, La Familia Grande, je n’étais pas sûre de pouvoir le lire : parce que c’est une lecture qui dérange, qui effraie, avec un sujet que l’on aimerait garder à distance de nos foyers : l’inceste.

La question de l’inceste se forge une place de plus en plus importante et légitime dans la littérature du XXIe siècle, je pense notamment à Neige Sinno autrice de Triste Tigre, dont la lecture m’attend toujours. On a vu des victimes, des témoins, parler de ce qu’ils ou elles avaient vécu pour se soigner, pour nous raconter, et parfois aussi, pour dénoncer. 

Dans le récit de Camille Kouchner, on fait face à la puissance que prend la parole quand elle se libère, des langues quand elles se délient : c’est une émotion intense qui nous traverse et nous bouleverse tout au long de l’oeuvre. Réduite au silence par la culpabilité, la honte, et la figure d’autorité que représente le beau père dans l’espace familial et social, Camille Kouchner prend la parole pour dénoncer avec virulence les années de viols et d’agressions sexuelles dont a été victime son frère jumeau, par Olivier Duhamel. Dans son texte, elle condamne l’inceste de l’agresseur, mais également le silence de sa mère, de sa famille et de son entourage. Un silence qui ronge de l’intérieur, et ce pendant des années.

Camille Kouchner parvient à s’emparer d’un sujet poignant qui menace encore près de seize mille enfants chaque année. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce texte, c’est qu’on aborde un sujet à travers un angle surprenant : Camille Kouchner parle de l’admiration, de l’affection et de l’amour que l’on peut ressentir pour l’agresseur : parce que tout à coup, c’est un monde qui s’écroule. Là où on s’attendrait à une accusation, le lecteur est contraint de partager les souvenirs d’enfance de la jeune fille. On voyage avec sa famille, on rit avec elle. C’est peut-être cela qui dérange : l’agresseu.r.se est partout mais invisible. C’est un monsieur, une madame tout le monde. C’est un frère, un père, un amant, un conjoint, un ami. C’est aussi une mère, une soeur, une camarade.

Et contrairement aux idées reçues et malgré la lourdeur du sujet, Camille Kouchner nous livre un texte magnifique et poétique, et qui fait du bruit.

C’est un texte fondamental pour lutter contre les violences sexuelles. Le plus intéressant et déroutant peut-être,  dans la lecture de La Familia Grande, c’est que le lecteur ne se situe pas  directement aux côtés de la victime mais s’y confronte par l’intermédiaire d’une témoin. Alors qu’elle s’est longtemps sentie complice par son silence, Camille Kouchner bouscule, dénonce et tente par tous les moyens de faire taire l’agresseur qui profite de sa notoriété et de sa domination psychologique et intellectuelle. À travers La Familia Grande, Camille Kouchner replace la faute sur le véritable fautif : pas la victime, ni la témoin qui enfant, n’a pas su quoi ni comment dire l’indicible.

Le texte de Camille Kouchner mérite d’être lu, clamé haut et fort. Car peut-être connaissons nous tous et toutes, une familia grande.


« Regarde-moi, maman. C’est pour toutes les victimes que j’écris, celles, si nombreuses, que l’on évoque jamais parce qu’on ne sait pas les regarder. »



1985 : Margaret Atwood publie l’une des dystopies les plus poignantes du XXe siècle. La servante écarlate, aussi célèbre sous le nom original de The Handmaid’s Tale. Dans cette société future, le monde est dominé par les hommes (tiens…) et les femmes sont quant à elle soumises à quelques catégories très précises. Les « femmes de », les cuisinières, les Tantes - celles qui endoctrinent - les prostituées, et ces « Servantes » habillées de longues robes rouges dont la seule possibilité est de se reproduire, afin de repeupler une société soumise à des taux de fertilité extrêmement bas.  

Débute une vie d’horreur pour les femmes alors les hommes font la loi. L’avortement est proscrit et la notion de consentement éradiquée (rappelons que les servantes se reproduisent d’après le modèle du viol conjugal).

Très vite, les tenues rouges et blanches que portent les Servantes, dans le roman comme dans la série à succès, sont devenues des symboles de résistance féministe. En 2019, ce sont des femmes des États Unis, de la Pologne, d’Argentine, ou encore d’Irlande qui sont devenus des servantes écarlates, dénonçant ainsi des politiques de plus en plus conservatrices et sexistes et des dérives anti-avortements. J’ai lu ce roman assez jeune et c’est sûrement pour cette raison qu’il occupe une place particulière dans mes lectures : de par les thèmes qu’il aborde, il a façonné mon envie de me battre toujours plus pour mes droits. 

Je conseille ce roman à toutes les personnes qui ont besoin de trouver du sens aux fictions qu’iels lisent. 

 « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Je ne suis pas une grande fan de Simone de Beauvoir ni de ce qu’elle représentait, mais je dois avouer que cette phrase dont elle est l’autrice, ne cesse de démontrer sa véracité.

L’Histoire nous a montré et nous montre encore aujourd’hui que les femmes sont les premières à être les victimes d’une instabilité politique, sociale, ou économique. Et imaginer le pire des scénarios pour éviter qu’il ne se produise, a permis à Margaret Atwood d’écrire un roman puissant et inspirant pour les luttes féministes qui sont encore à venir. 


« Ne laissez pas les salopards vous tyranniser. Je me répète cette phrase mais elle n'a plus de sens. On pourrait aussi bien dire : Ne laissez pas l'air exister ou : N'existez pas.

Je pense qu'on pourrait dire cela. »


Depuis que j’ai pris conscience de mon féminisme, j’ai surtout pris conscience que ma manière, à moi, d’être féministe passait par la violence. En grandissant, bien que la nature de mes combats soit restée la même, elle s’est affirmée. Je me suis entourée de modèles qui nous ressemblaient, mes luttes et moi.

Longtemps, il m’a été reproché mon impulsivité et ma colère. Le constat me révoltait : on ne me comprenait pas. C’est sans doute la raison pour laquelle je présente ici l’essai de Taous Merakchi, Vénère, être une femme en colère dans un monde d’hommes. Pour la première fois, je prenais part à un féminisme aussi radical que le mien, celui d’une femme en colère dans un monde où les hommes nous divisent.

Au cour de ma lecture, une phrase en particulier a résonné en moi « J’existe trop fort. » Je me suis surprise à lire ça dans la bouche d’une autre femme : il s’agissait finalement d’une pensée collective. Toutes les femmes étaient confrontées, un jour ou l’autre, à la domination sociale imposée par les hommes. C’est d’ailleurs cette même domination sociale qui est à l’origine des compétitions des petites filles entres elles, du mal-être des adolescentes et de la pression des femmes adultes, et de toustes les personnes se reconnaissant ainsi.

Cette essai allie parfaitement belle plume et belles idées, avec un mélange d’humour, d’honnêteté et de brutalité nécessaire. Vénère, devient une bible contre le patriarcat. J’ai particulièrement appréciée la façon dont l’autrice cherche toujours les bons mots, pour être la plus inclusive possible. C’est une lecture nécessaire à la fois pour déconstruire des clichés mais également pour accélérer une prise de conscience primordiale. Même moi, une jeune femme engagée et alertée sur les inégalités de genres et d’intersectionnalité, cet essai m’a aidé à réaliser que je devais encore, me débarrasser de certains biais que j’avais développé en tant que femme, comme mécanisme de défense envers les discriminations imposées par les hommes.

Nous ne nous diviserons plus, mais nous régnerons ensemble : et Vénère nous montre le chemin. Fatiguée de se sentir « TROP », Taous Merakchi nous invite à déconstruire les clichés pour lutter tout en apprenant à comprendre notre colère pour mieux l’utiliser. 

« Je suis en colère contre les hommes mais ils me rient au nez. (…) Si je ne lutte pas, c’est moi qui serais détruite. (…) Jamais ils ne se sont souciés des conséquences de leurs actes et de leurs mots, et c’est à moi d’en payer le prix pendant qu’ils dorment profondément sur leurs deux oreilles - quand ils ne sont pas carrément passés au luxe du repos éternel sans jamais avoir eu à subir ma riposte. » 



Chacune à leurs manières, ces trois femmes m’ont aidé à grandir avec mon féminisme, mes luttes et ma colère. Chacune à leurs manières, elles m’ont montré que la littérature avait sa place dans la politique, que les femmes pouvaient écrire, et que les combats méritaient d’être portés.

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