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La plage, ou la poésie du rien

  • apollinepetitjean
  • 27 juil. 2024
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 août 2024

“Mais toutes les années sont idiotes. C’est une fois qu’elles sont passées qu’elles deviennent intéressantes.”


La mer, le soleil, les paysages italiens et l’art de s’ennuyer, La Plage se présente comme le livre parfait pour se glisser dans une valise d’été. 

On a tendance à connaître Pavese uniquement pour sa poésie, pour ses vers célèbres tels que « la mort viendra et elle aura tes yeux ». Pourtant, ses romans comme La Plage, sont des oeuvres courtes qui nous plongent au coeur d'une Italie lente et douce, parfaite pour se dépayser.

Roman d’une centaine de pages, ce texte de Cesar Pavese est l’un de mes romans coups de coeur de 2023. Pourtant, outre des réflexions personnelles, des dialogues entre amis et amants au bord de l’eau, ce roman ne raconte pas grand chose : une poésie du rien. Mais la poésie, comme la littérature en général, veut toujours dire quelque chose, même quand elle ambitionne de ne pas le faire. Chez Pavese, ce que l’on pourrait qualifier d’une poésie du rien n’est pas à lire péjorativement, bien au contraire. C’est l’art de nous parler, de nous toucher nous lecteurs, sans rien nous raconter. 

Dans ce livre, on rencontre un narrateur qui n’a pas de nom. C’est un récit qui prend pourtant la forme d’une histoire racontée à la première personne du singulier, mais Pavese ne nous donne aucune information préalable sur le personnage principale, outre son métier de professeur. Ce que l’on sait, c’est qu’il décide de passer l’été sur la Riviera Italienne, chez son ami de longue date Doro, et sa compagne Clélia. Amis avant qu’il ne décide de se marier, Doro et le narrateur se retrouvent enfin pour partager un bout de l’été. Tout au long du texte se dessine l’impact du mariage sur l’amitié des deux hommes. Comment gérer les relations amicales quand quelqu’un d’autre devient le pilier de notre vie ? C’est une thématique assez peu originale certes, mais qui prend la forme de réflexions laconiques et percutantes, bien qu’elles nous laissent parfois sur notre faim. Le mariage, et la concurrence entre l’amour de l’ami et celui de l’amante… Tout par de là, et nous, lecteur, nous suivons ce trio ambigüe et déstructuré tout au long de leur vacances. Tous les jours les mêmes activités : les amis se retrouvent à la plage où ils retrouvent des vieilles connaissances, vont dîner et danser le soir, quelques fois.

Ainsi, l’ennui parcourt le texte, l’ennui des personnages qui se retrouvent pour la première fois depuis longtemps, face à eux même et à leurs pensées, leurs réflexions. Mais paradoxalement, ce n’est pas un texte qui tend vers l’ennui du lecteur. Le narrateur, ce monsieur tout le monde par son anonymat mais aussi monsieur personne par ses bizarreries, ne cesse de nous surprendre et de nous amuser. Sa singularité nous touche, et on finit par s’attacher à ses manières, même les plus triviales.

Ce qui me touche dans ce roman, c’est la simplicité de Pavese. Tout est naturel, sans volonté de décrire pour écrire : tout est suggéré. Les dialogues et les scènes sont simples, mais toujours très justes. La Plage, c’est le voyage à Gênes, c’est le dépaysement face aux vagues tôt le matin. C’est l’imaginaire de l’Italie poétique. C’est la douceur et la finesse avec laquelle les personnages sont "psychologisés". Comme si Pavese nous laissait faire, nous faisait confiance quant à la réception de son oeuvre. 

Attention, en toile de fond, quelques commentaires sexistes… La Plage est aussi un roman sur la nostalgie : celle du temps où les hommes vivaient entre eux avant les femmes. Quand les hommes écrivent des romans… c’est l’impuissance de ne pas savoir comment vivre seul. C’est le souvenir de ce « c’était mieux avant », alors que les hommes du roman manquent tous cruellement de courage. 

Mais personnellement, et comme le font tous les personnages du roman, je fais de Clélia l’héroïne du texte, parce qu’elle nous touche par sa vérité et sa douceur. Parce qu’elle même se fait héroïne de l’oeuvre, par ses actes toujours très romancés, ses paroles toujours très réfléchies.

Alors parfois, on ne comprend pas tout, on n’explique pas tout. Mais la beauté du texte fait oublier ces digressions et ce qui pourrait être qualifier comme un manque de profondeur ou d’étoffe. S’il est lu au bon moment, de roman peut prendre la forme d’une intéressante leçon : comme si nous discutions nous même avec un ami, toujours très honnête, parfois même un peu trop, sans filtre aucun. Pavese est un auteur qui est peu lu parce que peu traduit, et qu’on connait plutôt pour sa poésie que pour ses textes romanesques. Mais je conseille à tout le monde ce texte, parce qu’il se lie avec aisance, parce que les réflexions sur l’existence parlent à tout le monde, et parce qu’il rappelle l’été et le soleil.

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